jeudi 27 janvier 2011

POPAY

Interview de Popay réalisée à Montreuil en octobre 2007.

POPAY-5, Fac de Jussieu, 1990 (Source : Graffiti Paparazzi)

Tes débuts ?

J’ai commencé le graffiti vers 1987. A l’époque, je faisais une école d’arts plastiques dans le 16e. J’y ai rencontré KISTER des TSA (The stone angelz) qui m’a initié au tag, au oinj et aux catacombes. Bref, que des choses mauvaises pour la santé ! Au début, je taguais Popaï. Avec STONE qui était dans ma classe, on a monté les MST. Les "Mad spirit of Transylvania" étaient au départ un groupe de fusion. Avec STONE, AZDE et ZERO, on en a fait un groupe de tagueurs : "Massacre sans tronçonneuse". Au même moment, je tombe sur MEERO des TRP (The renegade painterz) qui me dit : « Le I avec le trémas à la fin de ton tag, c’est pas bon. Fais le avec un Y ». Et c’est comme ça que je suis devenu POPAY ! J’ai du faire mon premier graff vers 1988-1989. C’était sur les palissades du Louvre avec ARK. On devait avoir trois bombes pas plus. Au départ je voulais faire un pochoir. ARK m’a dit « Viens on fait un graff américain ! ». Un lettrage rouge, noir et blanc, vraiment pas terrible ! Un clochard est sorti de derrières les palissades au moment où on attaquait l’esquisse. Comme dans un film d’horreur !
POPAY & RUDDY aka ARK, Quai de la Rappée, 1991-1992 (Source : Righters)

 Comment en es-tu venu à te spécialiser dans le persos ?

Très tôt, j’avais eu l’idée  de faire des persos. J’adorais la BD et j’aimais beaucoup ce que faisait SPEEDY GRAPHITO. Mon premier perso était pas chantmé non plus ! Un Bboys avec une grosse Name plate. Comme tout le monde, je faisais du BBC (Bad Boys Crew) qui étaient les premiers à avoir imposé ce style à Paris Je me souviens être allé voir TORPE des TSA qui maîtrisait à l’époque et lui avoir demandé quelle couleur utiliser pour faire la peau du personnage ! Il a rigolé. « Ca dépend de la couleur du mec ! Qu’est ce que tu veux peindre ? un renoi, un reubeu, un chinois ou un blanc ! ». A partir de ce moment-là, j’ai commencé à comprendre comment entrer dans les nuances ! Ce n’est plus tard que je me suis véritablement lâché sur les persos. Parmi ceux qui ont contribué à me faire évoluer, y avait Numéro 6, et je pense que l'inverse est vrai aussi. J'ai posé des multisources lumineuses avant lui et après Mode 2 , mais lui faisait juste un reflet sur l'arrête, alors que nous avons amené un truc plus texturé dans le volume.
POPAY-5, Rue Léon Frot, Paris 11e, 1991-1992 (Source : Graffiti Paparazzi)


Peux-tu nous raconter l’histoire du groupe THC ?

Après l’école d’arts plastiques, j’ai passé mon bac au Lycée Paul Valéry dans le 12e. C’est vers cette époque que j’ai fondé les THC (Tous hyper cool ou Tous haut contrôle), qui étaient composés de cartonneurs comme KOOCE, ROST, HARS, DRUIDE et d’autres. C’est aussi devenu un groupe de fusion par la suite, un son entre le rock et le ska. A cette époque-là, je passais beaucoup de temps à Bastille. Ma sœur allait au Lycée Victor Hugo dans le Marais où j’avais peint dans le foyer un mur avec une cinquantaine de têtes. Un plan non payé. A cette époque comme aujourd’hui d’ailleurs, on te payait les bombes et tu te démerdais pour le reste. 
Il y avait aussi au bout de la rue des Rosiers un terrain vague où on allait souvent graffer. J’y avais rencontré les TEH (Tagueurs en herbe ou Tous en haut), des mecs cools qui se prenaient pas la tête. Ils m’ont fait rentrer dans leur groupe. J’aimais bien ce terrain. Je me souviens d’une après midi d’été en 1989, où on part avec FRESH y peindre un mur. Les flics arrivent au moment où on termine le graff. Ils nous prennent la tête. FRESH pète un plomb, commence à insulter un keuf à vouloir lui arracher son insigne. Ca dégénère. On part au poste, FRESH se prend un procès…  Un sale souvenir pour lui...
POPAY-5 (Source : Internet)

POPAY-5 (Source : Righters)


Et le groupe FIVE ?

Je rentrais de Chine où j’avais rendu visite à ma sœur. J’étais en quête d’idées nouvelles. On était un peu complexé par les TCA (The Chrome angelz) qui avaient imposé une vision très américaine du graffiti. Je voulais créer quelque chose qui soit entre l’occident et l’orient. Pour moi, FIVE, c’était l’étoile, le chaînon manquant qui devait relier les civilisations. Ce groupe était une structure ouverte. N’importe qui pouvait y rentrer à condition d’amener quatre personnes avec lui. L’idée était de se faire rencontrer pleins de gens venus d’horizon divers. Ce principe était inspiré du jeu de l’avion. Cinq personnes s’associent. Chacun donne 100 francs à la dernière personne arrivée. Celui-ci doit se charger de trouver quatre autres personnes et donner l’argent à la dernière personne arrivée et ainsi de suite. Le but étant d’avoir entre les mains à un moment donné un maximum d’argent. Nous étions donc cinq au départ. Moi, KRASE, POLO, ARSON et ARK qui venaient des RRC (Roots rock crew). Très rapidement, on était une vingtaine, puis une trentaine. Au final, je n’ai jamais su combien on était. Je ne connaissais d’ailleurs pas tout le monde dans le groupe. Il m’est arrivé de croiser des types des années plus tard me disant qu’ils avaient été Five !

POPAY-5, La Muette, Paris 16e (Source : Righters)

"Paris" by POPAY-THC (Source : Fotolog Kooce)


T’avais aussi pas mal peint dans les différents terrains du quartier de la Bastille à cette époque ?
Le terrain de Bastille qui se trouvait rue Saint Sabin a dû ouvrir vers 1990. C’était un endroit très fréquenté à l’époque. SECRET y peignait tout le temps. Les MAC avaient fait une belle pièce qui était restée six mois. A côté, il y avait les studios de Radio Nova où MODE 2 et ARO avaient fait un graff mortel dans le couloir. Plus loin, y avait le terrain de Voltaire, dans une petite ruelle de la Rue de la Roquette. Celui-là, je peux le dire, je suis le premier à avoir peint dedans ! Vers 1990, aussi. Au début, c’était un garage abandonné. Ce n’est que plus tard qu’ils ont détruit les baraques et que c’est devenu un terrain. J’ai énormément peint dans ce terrain. C’est d’ailleurs dans la rue cartonnée qui longeait le terrain qu’on avait peint avec DODE pour un reportage dans Voici. Au départ, c’était Amina, une chanteuse de l’époque qui avait eu l’idée.
"SDK" by JIWEA & POPAY, Gare de Lyon, 1992 (Source : Righters)

POPAY-5, Rue Saint-Bernard, Paris 11e (Source : Graffiti Paparazzi)



Comment s’est fait ta rencontre avec les PCP (Petits cons de peintres) ?

Un jour j’étais aux Frigos à quai de la Gare avec KAO. On tombe sur JESUS qui était surexcité. Il nous parle d’un graffeur nommé NUMERO 6  « meilleur que MODE 2 » !!!  Là on attendait de voir car à l’époque personne ne pouvait vraiment rivaliser. Peu de temps après, je l’ai rencontré. Le groupe PCP a dû se monter à ce moment là, vers 1990. Et c’est vrai que j’ai pris une claque en voyant ses persos. Surtout ceux qu’ils avaient réalisés sur le grand mur des Charbonniers, rue du château des rentiers. Le mur PCP 156 de 1992, c’est lui qui en réalisé une grande partie, décor de fond, persos et lettrages.

"Emeraude" by DECAY- POPAY-5, Rue des Vignoles, Paris 20e (Source : Righters)

Tu as exposé ton travail assez tôt.  Comment ça se passait à l’époque ?

En 1990, le graffiti a commencé à susciter un réel intérêt au sein de la société. A la fac de Saint Denis, un département Hip Hop avait été ouvert par  deux sociologues Georges Lapassade et Jacques Lafortune. Georges Lapassade qui devait avoir pas loin de soixante piges à l’époque était le premier sociologue à s’intéresser au rap. En 1989, il connaissait déjà la voix de tous les rappeurs. Je le revois dans son bureau avec son magnétophone « écoute, c’est Joey Starr ! ».  Jacques Lafortune était plus arts plastiques. C’est eux qui m’avaient payé les bombes pour faire un perso dans la fac. Peu de temps après, ils ont organisé « Bomb Art » à Nantes, première expo de graffiti en France. On est parti cinq jours peindre avec RCF, HONDO, MEO et JON. C’était mortel ! Ensuite, il y a eu Envol 7 organisé tous les ans sur le parvis de Beaubourg. En général, ça durait un week end, On graffait sur des planches. L’occasion de rencontrer d’autres graffeurs , comme DECAY avec qui j’ai peint là-bas pour la première fois.
DECAY-POPAY, Beaubourg (Source : Righters)

DECAY-POPAY (Source : Righters)


Tu as fait pas mal de rues, un peu le métro. Des anecdotes ? 
Le fils d’une amie de ma mère venait de se procurer les clés du réseau RATP. Il me propose d’aller y taguer la nuit.  Je crois qu’il ne taguait même pas, c’était plus histoire de faire des conneries, d’explorer un peu tout ça. On descend donc vers deux heures du mat à Bourse. Sans discrétion, on fait notre petite inspection au guichet.  On descend sur le quai. On tourne. Au moment de remonter, trois robocops nous tombent dessus flingues au poing « Qu’est ce que vous faites là ?». J’ai tellement flipé que je me suis pissé dessus ! On a raconté des salades. Ils ont alors voulu nous fouiller. Voyant que j’étais trempé, ils n’ont pas cherché à regarder dans mes poches où j'avais mis la clé !

POPAY, Métro Bel-Air, Paris 12e (Source : Graffiti Paparazzi)



Tu as aussi beaucoup graffer en terrain. Quelle est ta vision du graffiti ?
Je n’ai jamais revendiqué le côté adrénaline du tag. Pour certains, l’interdit reste la seule valeur. Ce n’est pas mon cas. Je préfère prendre mon temps, travailler une pièce dans un terrain pendant 5 ou 6 heures. Le terrain, c’est une école qui permet de progresser, de tenter de nouvelles choses. Après m’être fait chopé deux ou trois fais, j’ai vite compris que je ne voulais pas passer ma vie à rembourser des amendes. J’ai toujours vu les choses à long terme. Dès le départ, j’ai voulu être un artiste.  Dessiner, créer, trouver un truc percutant et original dans l’image qui puisse laisser une trace dans l’histoire de l’art. C’est pour ça que le graffiti m’a beaucoup plu. Les Américains ont inventé une forme d’art qui est une réaction au capitalisme avec une démarche de réappropriation de l’espace de la rue.

PAYOP-5, Camion Belleville (Source : Righters)




Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire