vendredi 1 mars 2013

La Muette - Part II

Octobre 1993, je fais la rencontre des CMP (Comité de la Mafia Parisienne), dont je deviens le photographe. Je demande à XODER s'il connait pas des adresses de terrains de graffiti, il me dit d'aller à la Muette. Gros point d'interrogation. La Muette dans le 16e ? Chez les rupins ? Sur le coup, j'ai du mal à y croire. J'ai jamais mis les pieds dans ce coin, mais je vois où c'est. Au bout de la ligne 9, à vingt-cinq stations de là où j'habite. Pourquoi aller si loin ? Avec le recul, je pense que c'est un des aspects qui m'a fait le plus kiffer dans le graffiti : ce côté total. Y a pas un quartier qui est épargné.

Premier jour des vacances de la Toussaint, je décide d'aller explorer le lieu avec mon acolyte Vincent. On arrive sur place, on inspecte chaque rue du quartier, rien. Pas de palissade de terrain. On marche pendant une plombe. Toujours pas de terrain. On demande à des passants. Des bourgeoises en manteau de fourrure. "Excusez-moi vous sauriez pas où on pourrait trouver un terrain vague ?". Réponse   logique. "Un terrain vague pourquoi faire ?". "Ben des graffiti !". La dame nous regarde d'un air outré. Elle tourne les talons. Grosse barre de rires... Finalement, on rebrousse chemin. On prend la 9 direction Porte de Montreuil pour rendre visite à note pote Ismael, qui habite juste à côté du Square Volga où les MAC (Mort aux Cons) ont fait une pure fresque.

Dans le métro, on croise YENA RS (Rouleurs de spliffs) qui monte à Trocadéro avec trois lascars. Je le connais pas plus que ça. Je vais à sa rencontre, timide, mais sans complexe. D'une voix tremblante, je me présente. "Je suis le photographe des CMP. Je reviens de La Muette, on a cherché le terrain, mais on l'a pas trouvé". Réponse élémentaire.  "C'est pas un terrain, c'est la petite ceinture". Gros point d'interrogation bis. "La petite ceinture" ? Moi j'en ai une autour de la taille, mais je vois pas le rapport avec le graffiti. Je repars m'assoir à l'autre bout du wagon tout penaud.

Trente stations plus tard, on arrive à Porte de Montreuil, on sonne chez Ismael. Sa mère nous ouvre. Un accueil des plus chaleureux. "Ismael est resté en pension ce week-end, mais restez pas dehors, entrez, je vais vous préparer un goûter". Elle nous demande ce qu'on a fait de beau pendant la journée. La mère d'Ismael elle a trente ans, elle est cool, pas besoin de lui raconter des mytos. On lui parle de La Muette, de la Petite Ceinture.  "La Petite ceinture ? C'est un chemin de fer abandonné qui fait le tour de Paris ! Vous voyez le pont qui passe juste au dessus du Franprix rue d'Avron ? C'est la Petite Ceinture". Elle a pas fini son explication qu'on est déjà devant le supermarché à essayer d'escalader la palissade en béton au pied du pont. Peine perdue.

On cogite. L'indice est pourtant sous nos yeux. Un graff "Supermarket" sur le toit du Franprix réalisé par REZE et MEAR. Ils ont dû monté par derrière, par le square Volga. Direct, on file sur place. On enjambe la barrière, grimpe le talus et escalade la grille. Nous voilà sur les rails. Il y a des graffs partout. Du Ase CMP, du ASKIA OPC, du SHEED16 MKC et du EXTAZ OC. J'ai l'appareil photo dans la poche, mais impossible de shooter, c'est la tombée de la nuit. Histoire de pas s'arrêter en si bon chemin, on s'arrête sur le pont pour regarder tout ça. La rue d'Avron sous nos pieds est bondée de monde. On voit tout, personne ne se doute de rien.

La veille de la rentrée scolaire, on décide de retourner à La Muette. Le programme de la journée est chargé. On commence par les Charbonniers dans le 13e, on enchaîne avec les Frigos, avant de descendre les quais jusqu'à Ivry où j'ai repéré en bus un graff NASTY SLICE au bord de la Seine. Une vraie mission qui nous conduit à Charenton. C'était ça nos journées ! Des heures à marcher dans Paris des graffitis plein la tête.

On prend le métro à Liberté. Petite halte au terrain de Faidherbe. Puis notre destination finale : La Muette. La gare trône sur la place devant le métro comme le nez au milieu de la figure. On prend la Chaussée de la Muette, descend le talus. Ca peint sur le quai en face. C'est qui ? Il y a SPEED TPH, un gars dont j'ai déjà vu des blazes dans les tunnels de 12. Il termine de remplir un throw-up. A côté de lui, deux gars finissent un graff illisible. Ils sont avec lui. NEMO et ZEPHYR ? Impossible de savoir. Ca dédicace à tout va.

On fait le tour Boulevard de Beauséjour, histoire de voir les graffs sur le quai d'en face. Il est tout seul, mais son graff fait dix mètres de long. Il porte un masque, trace les traits de haut en bas avec la bombe renversée. Un technicien par rapport aux autres. C'est qui ? Vins à l'oeil. "C'est Hozoï DKA (Dark Killer Angelz) !". Planqué derrière la grille, Vins sort l'appareil photo et mitraille comme un paparazzi. Clic-clac, on se barre en courant comme des voleurs de treize ans.

Hozoï en action (Source : Graffiti Paparazzi)
La Muette, troisième édition, le lendemain, jour de la rentrée des classes. Midi, je rejoins Vins devant la grille du collège. C'est parti ! On a une heure et demi pour faire l'aller-retour. Cette fois, personne. On fait nos photos en 2-2, trace au métro, retour à Saint-Paul. Il est treize heure trente. Mission accomplie !

"Camila" par HOZOI (Source : Graffiti Paparazzi)

"Camila" par HOZOI (Source : Graffiti Paparazzi)
Ci-dessous, deux photos prises sur le quai d'en face : TRYP 3MF (3 Meufs à la fois), un blaze qu'on avait vu lors d'une mission sur les voies du RER B entre Massy-Verrières et Massy-Palaiseau.

TRYP (Source : Graffiti Paparazzi) 
"SKETCH" par TEURK, l'un de ses premiers graffs. Au dessus, SMAT - DREO - HERE avaient apposé leur emprunte lors d'une descente des CMP.

SKETCH -TEURK (Source : Graffiti Paparazzi)
"MAFIA UNDERGROUND". Auteur inconnu. Daté du 25 octobre 1993.
"Pas fini".

"Mafia Underground" (Source ; Graffiti Paparazzi)






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